Lucile

Boiron

A propos de l’artiste

Les photographies et installations de Lucile Boiron relatent des états corporels occultés. Avec des couleurs vives et un usage presque tactile de la lumière, elle confronte le public à l’intimité douloureuse des processus de dégradation du vivant. Elle isole ses sujets, un corps de femme, un fruit en décomposition — avec une précision chirurgicale. La peau s’affranchit de ses fonctions traditionnelles pour muter en un lieu de passage et de transfigurations multiples. En adoptant le point de vue de l’artiste, le spectateur perçoit les sujets de ses photographies dans ces instants où les frontières s’estompent, dans une proximité nouvelle. Elle construit des ponts entre différentes matérialités où la peau se mélange au monde physique qui les entoure.

En 2019 elle remporte le prix Libraryman et édite son premier livre, Womb. L’ouvrage est présenté lors de l’édition 2019 du salon Printed Matter’s New-York Art Book Fair MoMA PS1, puis exposé dans le cadre de la Triennale New Visions au Henie Onstad Kunstenter. Plus récemment son travail a été exposé lors des Révélations Emerige en 2021, et dans le cadre de la 16e Biennale de Lyon en 2022.

WORKS


BIENNALE DE LYON


Série Bouche


Série Mise en pièces


Série Womb


TEXTS


 

Lucile Boiron

Par Élodie Cabrera pour Télérama

 

Disséquer le monde

La photographe débusque sur les chairs offertes au soleil la morsure du temps et les stigmates de l’été. S’y dévoilent rides, égratignures, boutons. La sueur qui perle sur un front, les plis d’un cou tanné ou la corne ramollie d’un orteil ayant trop mijoté dans la piscine. Dans les fruits et viandes que l’on dévore sans sommation, sans même les avoir passés à la cassolette, elle traque les veines, les viscères, le duvet qui vient s’y former quand ils ont trop végété sous la chaleur. Un éloge de la vie qui grouille et lentement se consume.

Car en se flétrissant avec les années, la peau de pêche dit bien sa nature. Elle est matière. Vivante. Vouée à disparaître, guettée par l’obsolescence programmée. L’ambiguïté avec laquelle Lucile Boiron observe son microcosme rejaillit sur l’ambivalence que l’on ressent face à ces échantillons nappés d’une inquiétante étrangeté. Répulsion ou attirance, pourquoi choisir ? Il se joue une tension dans ses images entre bienveillance et cruauté, « mi- amoureuses, mi-meurtrières » précise-t-elle en citant le Roi des aulnes, de Michel Tournier. L’ogresse remplie d’admiration voit dans la photographie « un rapt, une manière métaphysique de posséder l’autre, faire son image sienne ».

Décortiquer, dépiauter, désosser, l’appareil photo a tout du microscope et du scalpel entre ses mains.

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