Mathieu Chavaren

BIOGRAPHIE


Mathieu Chavaren est né en 1990, à Moissac et vit et travaille au Pays Basque. Inspiré par des artistes comme Joseph Beuys et Henri Michaux, le travail de Mathieu Chavaren propose une nouvelle lecture. « Mes peintures deviennent autant de fenêtres ouvertes vers l’absolu, qui nous renvoient à notre condition humaine et nous pousse à réfléchir. Chacun de nous est invité à formuler sa propre interprétation en fonction de son emplacement et de son regard. Autrement dit, chacun doit être capable d’y voir sa propre image. »

@alice_casenave

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EXPOSITION

Laisser-place, Paris, février 2023

TEXTE

Laisser Place, par Léa Gabrié


Verbe transitif : reconfigurer un espace au profit d’un autre élément
Verbe intransitif : se retirer de l’espace qui nous entoure, au monde ; se retirer en soi
Nom commun: objet transitionnel qui permet d’accéder à cet espace

Mathieu Chavaren est un artiste qui se nourrit de tout mais son parcours atypique le pousse avant tout à se nourrir des autres et de la nature.

Il sacralise peu de choses, aime casser les codes et inverser les usages, soucieux de ce que l’art peut nous apprendre et nous révéler. Humble et généreux, sa recherche a comme fil rouge la vocation de nous mettre en lien les uns avec les autres mais avant tout avec nous-mêmes.

Ainsi, sa démarche s’ancre dans une simplicité à l’accessible beauté. Ses écritures intérieures et extérieures s’ornent de noir et de blanc, convaincu qu’il faut laisser la couleur à la nature, pour n’être transcendé que par l’essentiel.

Ces dernières années, sa réflexion s’est poursuivie autour d’objets transitionnels qu’il appelle des « laisser-place », dont la fonction-outil est de nous ouvrir à cet espace de reconnexion intérieure. Sa démarche me touche car dans un monde tourmenté où notre rapport au temps ne fait que s’accélérer et parfois souffrir, je vois dans cette proposition une forme de soulagement et d’apaisement, comme une offrande pleine de mystère.

 Un laisser-place inattendu, hommage à la Nature

Ici, Mathieu Chavaren expose à nouveau l’un de ses objets laisser place de prédilection, le tabouret, qu’il orne cette fois d’un pied de tomates surprenant.

Cet ensemble, élaboré aux côtés d’un maquettiste professionnel pour défier l’illusion de la nature, en restitue toute l’absente beauté, notamment pour ceux qui en sont privés. L’objet est cher au cœur de l’artiste, à la fois hommage au tabouret tripode de ses grands-parents qui travaillaient la terre et clin d’œil à ses années d’apprentissage aux Beaux-Arts de Biarritz. Objet universel où chacun peut se reposer afin de se reconnecter à lui-même, le tabouret nous invitait à nous tourner vers l’intérieur, là où il permet ici de nous pencher vers l’extérieur, synonyme chez Mathieu Chavaren de Nature.

Car c’est l’une de ses sources d’inspiration majeure, un de ses espaces de réflexion les plus féconds, et un horizon de vie autour duquel son atelier a été entièrement repensé, grâce au jardin qui le côtoie. Ce laisser place offre un ancrage et une vie potentielle à la fécondité de la Nature qu’on a eu tort toutes ces années d’opposer à la culture et au « génie humain ».

L’espèce de tomate choisie, la Green Zebra, ici restituée sur le tabouret, est un croisement obtenu en 1985, peu avant la naissance de l’artiste. Cette œuvre, reproduite à peu d’exemplaires, a pour vocation de nouer avec ses futurs acquéreurs une relation de long terme, sur trois décennies, qui sera nourrie d’échanges et de correspondances avec l’artiste.  

Car à quoi bon créer, inventer, proposer si ce n’est pour participer d’une œuvre commune inscrite dans le temps ?

L’œuvre de Mathieu accentuait jusqu’à présent notre relation à l’espace, à nous-mêmes et au monde. Ici, il explore davantage notre relation au temps, avec cette plante figée pour toujours dans la matière. Est-ce un signe de résistance de la nature qui refuse d’être oubliée et proclame sa capacité à se réinventer, si tant est que l’on accepte enfin de la regarder ?

 Devant la nature, une seule posture, l’humilité.

Dans l’art de Mathieu, il en va de même. Il cherche à révéler avant de créer.

A contre-courant d’un monde au triple galop où chacun veut entreprendre pour créer ce qui n’aurait pas encore été fabriqué et consommé, lui s’attache à révéler ce qui existe déjà. L’effort réside dans cette posture simple et pourtant essentielle. Et s’il fallait prendre les choses à l’envers, penser différemment ?

Son engagement d’artiste se lie à la recherche d’un moment suspendu, propice à un partage qui lui est cher. Car « laisser place » ne veut pas forcément dire se soustraire ou se retirer du monde mais parfois juste, apprendre à cohabiter.

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